L’arrivée des soldats

Le samedi 10 Juin 1944, vers 14h, les soldats de la Division Das Reich investissent le village et rassemblent la population sur le Champ de foire. Une fois tous les villageois regroupés, les femmes et les enfants sont séparés des hommes et conduits dans l’église. Les hommes sont, quant à eux, divisés en plusieurs groupes et répartis dans des granges.

 

Le massacre des hommes

«  Vers 16h, une explosion dans le bourg donne le signal du massacre. Il commence au même instant dans tous les lieux de supplice. Les S.S. tirent bas, à hauteur des jambes. Les hommes tombent, s’entassent. Les bourreaux continuent jusqu’à ce que plus rien ne bouge puis montent sur les corps sanglants et donnent le coup de grâce à quelques malheureux qui remuent encore. Ils recouvrent ensuite les cadavres de paille, de foin, de bois, tout ce qui peut brûler. Les S.S. allument le feu qu’ils ont préparé et s’éloignent quand les flammes commencent à monter. Les mourants, les blessés trop faibles, vont brûler vifs… ».

De cet enfer, pourtant, des hommes sortirent : MM. Mathieu Borie, Clément Broussaudier, Jean-Marcel Darthout, Robert Hébras, Yvon Roby. Tous suivirent le même procédé : se jeter à terre dès la première salve de mitrailleuse et faire le mort : se dégager ensuite et gagner un coin de la grange, attendre là, des heures, alors que l’incendie court tout autour ; et puis, quand les flammes arrivent, se sauver encore, en se dissimulant entre deux murs, et gagner la campagne avec des ruses infinies ; rester, enfin, tapis dans des broussailles jusqu’à ce que la pleine nuit, le départ des sentinelles, permettent la fuite.

Quelques habitants d’Oradour, qui ne s’était pas rendus au rassemblement, purent échapper au massacre. Ils évitèrent ainsi l’atroce fusillade, citons entre autres : Roger Godfrin, jeune écolier lorrain, âgé de 7 ans, qui s’enfuit de son école à l’arrivée des soldats, Mmes Auzanet, Rénaud Jeanine, Robert Maria. MM. Bélivier Marcel, Brissaud Martial, Crémoux, Désourteaux Hubert, Doutre Paul, Litaud, Senon Armand, Beaubreuil Joseph, Beaubreuil Maurice, Besson Robert, Machefer Martial, Rénaud Aimé. Mais beaucoup d’autres furent abattus dans leurs maisons par les S.S. qui fouillaient le bourg. Les témoignages de tous les survivants concordent pour décrire la rapidité et la sauvagerie de l’attaque, l’horreur  du martyre qu’ils ont vécu.

 

Le massacre des femmes et des enfants

Après une longue angoisse, dans l’incertitude du sort de ceux qu’elles avaient laissé sur le champ de foire, voilà que les femmes voient s’ouvrir la porte de l’église. Deux soldats viennent déposer près de la table de communion une caisse volumineuse d’où dépassent des cordons ; ils y mettent le feu, puis sortent en refermant la porte derrière eux. Presque aussitôt une explosion se produit ; une fumée âcre et suffocante se dégage. Dans une vision infernale, les malheureuses victimes fuient en tout sens, se heurtant aux issues fermées. Les tortionnaires ont songé à tout ; ils se sont embusqués à l’extérieur et, par les fenêtres, tirent de toutes leurs armes. Femmes et enfants s‘écroulent les uns sur les autres. Aucun recoin n’est épargné.

Les soldats tirent sans relâche, sans répit, jusqu’à l’épuisement de leurs munitions, puis entassent pêle-mêle les bancs et les chaises en un monstrueux bûcher. Dans le ciel clair de cette fin d’après-midi, s’élève une immense colonne de fumée et de flammes : l’église d’Oradour brûle.

De cet enfer, une seule femme parvint à s’échapper : au prix d’efforts incroyables, Marguerite Rouffanche se jeta par l’une des fenêtres de l’édifice et, blessée, se cacha jusqu’au lendemain dans le jardin du presbytère.

 

Après le drame

Vers 19h, lorsque le tramway venant de Limoges arrive aux abords du village, il est soudainement arrêté par des S.S. Les voyageurs terrorisés sont divisés en deux groupes : les habitants d’Oradour, et les autres ; pour ceux-ci on leur donne l’ordre de retourner à Limoges ; pour ceux-là, une vingtaine environ, on les aligne devant une palissade, une mitrailleuse braquée sur eux. Ils attendent la mort au milieu des plaisanteries des soldats véritablement ivres de feu et de sang. Quand, après plusieurs heures de détention, on leur dit qu’ils sont libres, ils n’en peuvent croire leurs yeux ; hébétés, ils s’en vont demander asile dans les hameaux environnants, car il leur est interdit de rentrer à Oradour. Les flammes tourbillonnent dans la nuit commençante : l’appréhension, l’horreur, étreignent toutes les poitrines ; Oradour brûle ; que sont devenus les habitants ?

Toute la nuit, les soldats ont fait bombance, ripaillé, chanté… Le pays était riche, il y avait de bonnes caves dans de nombreuses maisons ; au matin seulement, après avoir incendié deux maisons encore debout, les assassins quittèrent les lieux de leur crime. D’Oradour il ne restait plus rien… seulement des pans de murs noircis, des tas de pierres, des châssis de voitures, tordus, déchiquetés, et le squelette décharné de l’église. Le silence est enfin tombé sur la cité morte, sur ceux qui, enfouis, sous les bûchers consumés, dorment leur sommeil de martyrs.

 

Pourquoi ce massacre ?

Les S.S. ont donné des prétextes – leur abondance même est une preuve de leur inexactitude.

En fait, on ne sait rien de précis sur ce qui provoqua le martyre d’Oradour. Des Allemands se sont vantés d’avoir accompli une expédition punitive dans un village à 20 km de Limoges. Ont-ils voulu faire un exemple pour terroriser les habitants de cette contrée qui ne leur étaient pas favorables ?

Au procès de Berlin-Est : le S.S. Barth a déclaré avoir reçu du Commandant S.S. Diekmann, son chef de bataillon, « l’ordre de détruire la localité et ses habitants ». L’action avait été justifiée par des mesures d’intimidation. Quoi qu’il en soit, aucun mobile ne pourrait excuser l’horreur d’un tel massacre, et il semble bien que ce mobile même n’existe pas.